Parti socialiste et mouvement social,
convergence ou antagonisme ?

Certains s’étonneront d’un titre qui semble distinguer, voire opposer, des forces indissociables dans le combat de la gauche.

Les partis de gauche ne doivent-ils pas, par définition, exprimer la volonté du « peuple de gauche » ?

Le Parti socialiste n’est-il pas pour beaucoup d’entre nous le parti des salariés, principales victimes de l’hégémonie du capitalisme financier mondial ?

L’« horreur économique » produite par l’ultra-libéralisme ambiant ne doit-elle pas conduire à un front commun de résistance associant toutes les forces sociales qui refusent le chômage, l’exclusion et la fracture sociale ?

Pas si simple pour celui qui observe la réalité des faits.

En fait, les mouvements sociaux, quels qu’ils soient, se laissent rarement instrumentaliser par les partis.

Il ne faut pas oublier que le mouvement social de Mai 68, malgré sa puissance inégalée, a été suivi quelques semaines après par un raz de marée électoral de droite qui a retardé pour longtemps l’alternance.

Les mouvements sociaux expriment des réactions de significations politiques contradictoires : manifestations massives pour la « liberté de l’enseignement » entraînant l’abandon du grand projet socialiste de service public unifié ; quelques années plus tard, manifestations non moins massives contre les modifications de la loi Falloux voulues par la droite…

Dans d’autres circonstances, ils semblent exprimer des réactions de défense corporatistes (grèves des pilotes, des internes…)

Quand ils apparaissent comme un « 3e tour social » contre une majorité récemment élue, comme semble le montrer le mouvement de la fin 95 contre le plan Juppé, ils font apparaître dans un même temps des clivages persistants entre les organisations institutionnelles de gauche (partis et syndicats) à propos de la réforme de la protection sociale.

Dans tous ces exemples, les mouvements sociaux expriment la réaction de certaines parties du corps social plus qu’un projet politique.

Par contre dans d’autres circonstances, notamment quand ils sont précédés d’une évolution en profondeur des esprits, ils peuvent imposer des réformes que les partis politiques ne pouvaient faire aboutir : que l’on se souvienne du mouvement des femmes pour la légalisation de l’IVG.

Le « bon usage » des mouvements sociaux, c’est de ne pas être à leur remorque, ni de vouloir les récupérer dans les débats d’idées internes, mais de les respecter comme des révélateurs pour le meilleur comme pour le pire de l’état de la société, et d’apporter à ceux dont les objectifs correspondent à ceux du PS des solutions politiquement crédibles.

Yves Droulers