PS/Verts : les fruits d’un accord

La victoire du 1er juin et la construction d’un gouvernement pluraliste autour de Lionel Jospin sont le résultat du rassemblement des forces de gauche et des écologistes au niveau national. Malgré le manque de recul par rapport à l’événement, certains éléments du processus qui ont permis ce rassemblement apparaissent suffisamment clairement pour alimenter la nécessaire réflexion des socialistes de l’Essonne sur la stratégie et la pratique des alliances politiques. Cette réflexion s’impose dans la mesure où la Fédération de l’Essonne n’a pas pu, su ou voulu opérer ce rassemblement au niveau départemental, et où cet isolement politique a joué un rôle dans le mauvais résultat de l’élection législative. Il ne s’agit pas ici d’ouvrir une polémique stérile avec ceux de nos camarades qui revendiquent la paternité politique d’une alliance Rouge/Rose/Vert dont ils ne nous ont jamais donné le mode d’emploi, mais d’engager une réflexion pour que nous sortions de cette impasse avant les échéances électorales (régionales et cantonales) de l’année 1998.

Dans cette dynamique de rassemblement, l’accord entre le PS et les Verts a joué un rôle déterminant.

Sa conclusion même annonçait la possibilité d’une nouvelle configuration politique à gauche. En effet, il ne s’agissait pas d’une union de la gauche « bis » élargie aux écologistes, mais d’un accord entre la force principale de la gauche et un mouvement qui traduit l’émergence depuis une vingtaine d’années de nouvelles aspirations politiques que la gauche se devait de prendre pleinement en compte.

La crédibilité de cet accord a beaucoup tenu au fait qu’il ne s’agissait pas d’un coup tactique issu d’une soudaine rencontre Voynet/Jospin à la veille d’une élection. Il faut ici rappeler que cet accord vient de loin. Il est le résultat d’un long travail en commun, engagé depuis 1994 dans le cadre des « Assises de la transformation sociale » voulues par Michel Rocard au lendemain des états généraux de Lyon en 1993, assises dont il avait délégué la responsabilité à… Lionel Jospin. Aussi la conclusion de cet accord a-t-elle été un signe en direction de l’électorat que la promesse de rénovation des socialistes était en marche, dans les méthodes (respect du partenaire) comme dans le contenu (prise en compte de l’impératif écologique dans les propositions).

Cet accord aura eu le mérite de mettre fin à la tentative de constitution d’un « pôle de radicalité » autour d’un axe PC/Verts qui nous aurait conduits tout droit vers une nouvelle défaite. Et l’on pourrait ajouter, en direction de nos camarades qui ne cessent d’invoquer « le mouvement social » pour justifier chacun de leurs propos, que cet accord est d’abord entré en résonance avec la mobilisation contre le congrès du FN à Strasbourg au mois de mars, mobilisation dont les deux figures emblématiques furent Catherine Trautmann et Daniel Cohn-Bendit.

Tout cela, pour notre part nous l’avons dit ou écrit au sein de la Fédération, avant que Chirac ne dissolve l’Assemblée. Mais il nous faut en plus tirer une leçon majeure du scrutin des 25 mai et 1er juin : là où l’accord national a été pleinement mis en œuvre, il a permis de fixer à gauche des voix écologistes bien au-delà de ce que représentent les seuls « Verts » officiels, voix qui, au cours des dernières années rejoignaient souvent les rangs des abstentionnistes au 2e tour (quand elles ne se reportaient pas à droite). Les résultats sont là : grâce à cet apport de voix écologistes, des candidats socialistes ont gagné des circonscriptions, et des candidats Verts ont été élus dans des circonscriptions qui leur étaient réservées, grâce au soutien actif des socialistes.

Dans une gauche plurielle, il ne s’agit pas, dans notre esprit, de substituer une alliance avec les Verts à la vieille alliance privilégiée PS/PC, mais de prendre acte pleinement qu’il y a la place pour une dynamique politique Rose/Vert, au bénéfice de la gauche tout entière.

Prendre pleinement acte, c’est, pour notre fédération, prendre l’initiative pour aboutir à une traduction au niveau départemental de l’accord national PS/Verts, et proposer à l'ensemble de nos partenaires de gauche et écologiste de les soutenir dans certains cantons et de constituer une liste de large union aux éléctions régionales, pour créer le rassemblement nécessaire à la victoire en 1998, et pour préparer de futures majorités municipales pour 2001. Compte tenu du passé et des conditions dans lesquelles se sont déroulées les législatives en Essonne, la tâche est difficile. Mais la principale force de la gauche ne peut pas se dérober devant la responsabilité qui lui incombe.

Jean-François Noël