Objectif emploi des jeunes

La création de 700 000 emplois pour les jeunes dans les premières années de la législature, a été au cours de la campagne des législatives, la plus discutée de toutes les propositions du « petit livre vert ». Discutée par la droite, bien sûr, par les milieux économiques et par de nombreux « experts », mais aussi (tous ceux qui ont activement fait campagne l’ont mesuré au quotidien) par l’électorat populaire. Discutée enfin dans nos rangs, et particulièrement dans ceux issus de la « 2e gauche », tant il est vrai qu’à première vue cette proposition peut sentir l’étatisme et l’économie administrée. Parce qu’elle est devenue emblématique de notre volonté d’inventer un autre avenir que celui que nous imposait implacablement la logique libérale, c’est sur cette proposition que les Français jugeront de la réussite ou de l’échec du gouvernement de Lionel Jospin.

Mais la réussite ne suppose pas seulement que le gouvernement « travaille bien », il faut aussi que les socialistes y contribuent par leur mobilisation, partout où ils agissent en premier lieu à travers les municipalités et les collectivités territoriales. Il faut donc que chacun soit bien convaincu qu’il s’agit d’une proposition juste et crédible.

Assumer la responsabilité du politique sur la question de l’emploi

Le politique (et avec lui l’État) ne peut pas tout. Nous le savons, et rien ne serait pire qu’un retour aux illusions de 1981. Mais il nous faut aussi prendre en compte que le chômage, et celui des jeunes en particulier, n’est pas une pure affaire de déséquilibre (structurel ou conjoncturel) entre l’offre et la demande sur le marché du travail, mais résulte d’un fonctionnement global de la société – social, culturel, institutionnel, et pas seulement économique – et que, par conséquent, la responsabilité du politique est engagée.

Nous mesurons aujourd’hui à quel point l’impuissance collective à contenir la montée du chômage et de l’insécurité sociale a contribué à la défiance des citoyens à l’égard du politique et fait le lit du Front national. Il nous fallait donc affronter la question de savoir à quoi sert le politique s’il est incapable de dessiner les réponses aux problèmes majeurs de la société. Sur la question de l’emploi, il n’y avait plus que deux réponses possibles : entériner le dépôt de bilan ou retrouver l’espace du politique. C’est cette seconde voie que nous avons choisie lors de la convention nationale de décembre sur l’emploi. Mais pour être crédibles, il nous fallait non seulement affirmer notre volonté politique (placer l’emploi au cœur de notre politique), mais aussi créer par des propositions à la fois précises et fortes, un choc dans l’opinion et ouvrir une brèche dans la résignation générale à accepter le chômage.

L’emploi, un choix d’organisation sociale

Ce retour du politique, que nous avons voulu, sur la scène de l’emploi serait un pur acte de volontarisme sans prise sur le réel s’il n’était rendu nécessaire par les données actuelles du fonctionnement économique.

En premier lieu, il faut enfin admettre qu’il n’est plus possible de parier sur la seule croissance économique pour résoudre le problème du chômage. Même si elle se traduit par des soldes positifs en termes d’emploi, elle ne peut suffire à résorber un taux de chômage de 12 %. Plus fondamentalement, les dernières années ont montré que la croissance ne garantit plus le développement de l’emploi. Il faut en tirer les conséquences : si l’emploi n’est plus un produit naturel du développement économique, la décision de créer de l’emploi relève d’un choix d’organisation sociale, fait par les citoyens et mis en œuvre par la puissance publique et l’ensemble des corps sociaux.  

En second lieu, il faut aussi prendre en considération qu’une grande partie des créations d’emplois possibles se situe dans des domaines d’utilité sociale (aide aux personnes et aux familles, santé, éducation, loisirs, etc.) qui ne peuvent pas (pour des raisons économiques) et/ou ne doivent pas (pour des raisons sociales et culturelles) être laissés à la main invisible du marché. De là découle notre projet de créer dans les meilleurs délais 350 000 emplois pour les jeunes dans ces domaines, en les finançant par la redistribution.

En finir avec le chômage des jeunes

Fallait-il pour autant mettre en avant le chômage des jeunes, avec le risque que les chômeurs « pas jeunes » se sentent abandonnés (ou le soient réellement). 0n peut en discuter, à condition de prendre en considération :

Il était important (16 ans après le rapport de Bertrand Schwartz sur l’insertion professionnelle et sociale des jeunes) que les socialistes remettent la question en tête de leurs propositions. S’il ne s’agit pas « d’interdire  » le chômage des jeunes (façon Tapie : yaka), il s’agit bel et bien d’y mettre fin. Cela a un coût. Mais il n’est pas supérieur aux exonérations de charges inefficaces consenties par les gouvernements Balladur et Juppé (65 milliards par an). Et il est bien inférieur au coût direct et indirect de la désespérance des jeunes et de son impact sur l’ensemble de la société.

Jean-François Noël