Pour un comité départemental d’éthique

Il n’est pas sûr que la virulence dans la condamnation des turpitudes de la droite essonnienne ait été le meilleur gage de succès pour les candidats PS aux législatives 1997.

Il serait cependant erroné de conclure que les électeurs se désintéressent de la morale des élus, et l’on peut continuer à croire que l’une des clés de la victoire aux cantonales de 1998 réside dans notre capacité à prouver une forte détermination de rupture avec le climat financier et judiciaire mis en place par l’équipe Dugoin, où se mêlent les soupçons de gestion partisane des deniers publics, de népotisme et d’enrichissement personnel.

On pourra remercier Xavier Dugoin d’avoir fait connaître aux Essonniens, et au-delà, l’existence d’un conseil général dans l’Essonne et l’importance des sommes inscrites à son budget.

Par cette éducation civique à rebours, les électeurs sont désormais nombreux à connaître l’envers des règles de compétence qui régissent les départements : non, le département n’est pas fait pour financer les autoroutes, ni pour verser de l’argent de poche à la femme des copains.

Mais cette formation politique accélérée offerte par les affaires essonniennes a un revers : les électeurs, lassés de tout, restent enclins à globaliser et à mettre tous les conseillers généraux dans le même sac. Toute la communication de Dugoin vise d’ailleurs ce résultat.

Certes, dans cette campagne, la personnalité de nos candidats parlera pour nous, mais, aussi injuste que cela puisse paraître, cela ne suffira pas.

Dès lors, il faut trouver les moyens politiques de proposer des avancées tangibles et crédibles sur la voie d’un plus respectueux usage des deniers publics.

Il faut également combattre les délais trop longs entre les faits et le moment où la vérité est avérée par les organes habituels de contrôle de l’activité des élus – chambre régionale des comptes et autorité judiciaire.

Dans ce cadre, il faudra tout au long de la campagne formuler des propositions fortes sur lesquelles il est aujourd’hui temps de réfléchir.

Nous soumettons donc à la réflexion, l’engagement que le PS pourrait prendre de constituer au lendemain de sa victoire un comité départemental d’éthique.

Ce comité serait composé de trois ou cinq membres, qualifiés pour leur compétence juridique ou financière et leur capacité à constituer ensemble une autorité indépendante – l’un d’entre eux pourrait être désigné par l’opposition. Les membres de ce comité se verraient autoriser un accès en temps réel à tout dossier et à toute réunion : commission permanente, commission d’ouverture des plis… À même de tout savoir, ce comité serait chargé de faire connaître ce qu’il jugerait utile de confier à la presse, au contrôle de légalité ou au juge.

Certes, de prime abord, la proposition peut sembler sortir du cadre républicain le plus strict. Au nom de quelle légitimité contrôlerait-on des élus issus du suffrage universel ?

En réponse, il faut noter deux principes. Le premier c’est qu’en lui-même le comité n’a aucun pouvoir. Il ne sert qu’à gagner du temps sur ce que la presse, le préfet ou le juge finiront toujours par connaître ; il ne modifie pas le fonctionnement des institutions de contrôle en place, il les rend plus vite efficaces.

Le second principe est lié à la mutation des institutions républicaines. Face à un danger avéré de voir le fossé se creuser entre la classe politique et le reste de la société, il faut s’efforcer de trouver les moyens de recréer de la confiance. Un tel comité serait à coup sûr contraignant pour le fonctionnement d’une assemblée élue, mais il pourrait, avec d’autres outils qui restent à inventer, permettre de renouer la trame du tissu social et affirmer une spécificité de la campagne des socialistes.

Fabienne Iltis
Jean-Pierre Pillon